La science et l’apprentissage de la musique
Je ne me lasse pas de cette video de Bobby Mc Ferrin lors de son passage chez TedX. En moins de trois minutes, on voit le chanteur apprendre, avec humour, à plusieurs centaines de personnes à chanter ensemble un morceau de musique complexe… Elle va nous permettre d’illustrer un cas original de lien entre musique et science.
Cette video m’étonne et me fait rire à chaque fois !
Les moyens utilisés par Bobby Mc Ferrin pour enseigner la musique sont pourtant étonnamment réduits. Il ne parle pas à son public, il n’a pas besoin de mots. Il se contente de chanter et de bouger sur la scène et l’appropriation de la musique est immédiate. Un premier saut met le chant en mouvement; un saut de côté permet de faire chanter les gens un ton au dessus; un saut de l’autre côté fait chanter un ton au dessous. Non content de communiquer le plaisir de faire de la musique ensemble à son public, Bobby Mc Ferrin le fait avec humour et gentillesse.
L’absence de mots dans son enseignement est l’une des raisons qui expliquent que cet apprentissage de la musique fonctionne avec tous les publics qu’il a pu côtoyer à travers le monde. L’autre raison tient probablement au fait que la gamme utilisée par Bobby Mc Ferrin pour faire chanter la salle est une gamme de cinq notes quasi universelle, la gamme pentatonique. Cette gamme est en effet utilisée, avec des nuances, dans de nombreuses musiques de cultures orientales et occidentales.
Mais Bobby Mc Ferrin n’est pas le seul à s’intéresser à la gamme pentatonique. Les applications de celle ci dépassent la musique. La science aussi s’y intéresse pour des applications surprenantes, c’est ce que nous avons découvert en utilisant le moteur de recherche d’ideXlab. Celui-ci permet rapidement de se faire une idée de l’état des connaissances – ce que nous dit la science- dans des domaines très variés, y compris en rapport avec la musique, comme par exemple les dernières découvertes concernant les gammes pentatoniques.
Voyons donc un exemple de ce que nous dit la science.
Une équipe de chercheurs en neurosciences de l’Université de Chengdu et de l’Académie des Sciences de Shanghai en Chine “écoutent” l’activité du cerveau en la traduisant sous forme de musique. Pour ce faire, ils mesurent l’électroencéphalogramme (EEG) et le traduisent en notes de musique dont la hauteur, la durée et l’intensité sont calculées par une transformation mathématique de l’EEG. Dans des travaux récents, ils ont appliqué cette méthode de production de musique séparément à l’hémisphère droit et à l’hémisphère gauche du cerveau, puis ils ont superposé les lignes mélodiques des deux hémisphères. Ils ont utilisé alternativement une gamme heptatonique (la gamme à 7 tons la plus utilisée dans la musique occidentale: do ré mi fa sol la si) et une gamme pentatonique. Les travaux (la science…) démontrent, en appliquant cette technique à des patients endormis, que la gamme pentatonique conduit à une meilleure différentiation des phases du cycle de sommeil. Elle produit ainsi une musique – générée par les ondes du cerveau – qui est plus harmonieuse que la gamme heptatonique ! Les auteurs ne vont pas jusqu’à dire que la science démontre ainsi que la gamme pentatonique est plus harmonieuse ou universelle que la gamme heptatonique.
Bien sûr, ces travaux n’expliquent pas l’efficacité de l’apprentissage proposé par Bobby Mc Ferrin. Mais ils illustrent les passerelles grandissantes entre la musique et la science, qu’elles soient cognitives, médicales, physiques, etc.
On peut se demander qui bénéficie de ces passerelles : la pratique artistique, par injection de connaissances nouvelles comme on le voit dans cet exemple sur la musique, ou au contraire la science, qui s’enrichit ainsi de poésie et d’humanité ?
http://link.springer.com/article/10.1007/s12264-013-1334-y