Les obstacles à l’Innovation Ouverte

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Les obstacles à l’Innovation Ouverte

Interview d’Anders Hjalmarsson

Un entretien avec Anders Hjalmarsson du Viktoria Swedish ICT, Götegorg, Suède,auteur de “Beyond Innovation contest: a framework of barriers to open innovation of digital services”  (Au-delà des concours d’innovation : une modélisation des obstacles à l’innovation ouverte dans les services numériques).

Q: Bonjour Anders, je vous remercie d’avoir accepté notre invitation. Nous aimerions discuter des principales conclusions de vos travaux sur les “obstacles à l’innovation ouverte”, travaux que vous avez présentés à la Conférence Européenne sur les systèmes d’Information le 9 Juin 2014.

Pour commencer, pourriez-vous nous dire quelques mots sur vous-même, vos centres d’intérêt et domaines de recherche?

R: Bien sûr, merci pour l’opportunité de cet entretien. Au Viktoria Swedish ICT notre recherche porte sur l’Open Innovation appliquée aux domaines des transports publics et à l’industrie automobile. Je travaille en particulier avec les groupes de transport public en Suède et plus largement en Europe dans le but de créer une plateforme pour l’innovation ouverte basée sur l’Open Data.

De même, nous travaillons avec l’industrie automobile, en particulier Volvo qui est intéressé par l’innovation ouverte appliquée à leur propre industrie.

Q: Comment l’étude rapportée dans votre article s’insère-t-elle dans votre programme de recherche?

A: Nous avons conduit un certain nombre de projets de recherche depuis 2009, dont un intitulé “Innovation pour des transports quotidiens durables”, un projet de 4M€ allant de 2009 à 2011. Nous avons créé un cadre pour l’exploitation de données des transports publics. Différents organismes gouvernementaux de transports suédois ont livré leurs données et nous avons créé une plate-forme web pour le développement de nouvelles applications. En 2010, nous avons commencé à réfléchir à la façon d’impliquer la communauté des développeurs. Nous avons donc organisé un concours “Travelhack 2013“, basé sur le principe de «rendre les transports quotidiens plus durables”.

Q: Pouvez-vous nous donner un ou deux exemples d’applications qui ont été développées au cours de ce hackathon?

A: Oui, le gagnant était une application mobile de planification de trajet pour les personnes atteintes de dysfonctionnements cognitifs. Il aide à planifier le voyage dans le détail de porte à porte et rend le transport public accessible à ces personnes. La première version publique est attendue prochainement pour ​​les plateformes iOS et Android. Un autre gagnant dans la catégorie “Rendre le voyage divertissant” est une application qui référence les musiques qui ont été composées dans la région que vous traversez.

Q: Ca semble être des applications très intéressantes! Alors, comment se fait-il que le point de départ de votre publication soit que de nombreuses propositions aux concours d’innovation ne deviennent pas des produits ou services réels? Quel est le taux de réussite?

A: En fait, nous avons observé dans notre concours que la plupart de ces solutions, même brillantes, ne sont pas des applications viables. Nous avons donc commencé à enquêter sur les raisons pour lesquelles il y avait tellement de «déchets» dans les hackathons, et le papier que vous mentionnez est le premier résultat de cette analyse.

Nous avons également réalisé un manque criant d’analyses sur la performance des concours d’innovation, ceci  incite à effectuer des recherches supplémentaires sur ce sujet. Nous avons commencé par faire une simple comparaison sur trois concours et nous avons trouvé une moyenne de 9% de services viables (voir tableau 1). Lorsque nous avons présenté ce résultat à ECIS2014 nous avons eu des commentaires disant que ce pourcentage est assez élevé par rapport à d’autres concours.

Naturellement, nous voulions comprendre les raisons de ces pertes et essayer de créer une méthodologie qui permette aux organisateurs de concours de créer plus de services viables et de mieux gérer le processus à l’issue du concours.

 OPEN INNOVATION BARRIER 1

Q: Quelle méthodologie avez-vous suivie?

A: Nous avons procédé en trois étapes principales:

1) Une étude approfondie de la bibliographie sur les obstacles à l’innovation; nous avons étudié 24 articles des revues les plus influentes et trouvé 179 facteurs que nous avons regroupés en 10 catégories.

2) Nous avons interrogé les équipes impliquées dans le concours Travelhack 2013 avant la finale et nous avons établi une liste des obstacles qui étaient anticipés.

3) Nous avons finalement contacté les équipes deux mois après le concours et établi la liste et le classement des obstacles perçus.

Q: Alors, quels sont les principaux obstacles d’après vos données?

A: Les 4 premiers obstacles à l’innovation ouverts tels qu’ils ont été perçus après le concours sont:

  1. Le manque de temps ou d’argent pour poursuivre le développement de l’application.

Des équipes ont proposé des applications parce qu’ils trouvaient amusant de participer au  hackathon mais ils n’avaient aucun plan, ni les ressources pour faire de leurs applications une application commerciale.

  1. Le manque de compétence ou d’information sur le marché

La plupart des équipes impliquées étaient des équipes de R&D et n’incluaient ni vendeurs ni représentants marketing ; il leur manquait la moitié des compétences pour aller plus loin.

  1. la faible valeur de l’offre

En conséquence du point 2), de nombreuses équipes n’ont pas travaillé sur le modèle d’affaire et ont réalisé plus tard que l’application était « cool », mais avait une valeur ajoutée limitée.

  1. Le manque de coopération entre les partenaires pour le développement.

Une fois les applications développées, les partenaires et les distributeurs doivent être impliqués et les équipes n’avaient pas la capacité à le faire.

Une liste plus complète des freins perçus et leur importance relative est fourni dans le tableau 8.

open innovation barriers 2

 

Q: C’est très clair et dans une certaine mesure attendu étant donné la nature et l’organisation des hackathons. Mais pensez-vous que des obstacles similaires seraient identifiés dans d’autres formes de projets d’Open Innovation comme ceux visant la résolution de problèmes, ou « outside-in » ?

R: Je dirais que oui mais il faut être prudent dans l’extrapolation des résultats de recherche à d’autres situations. Cela nécessiterait une étude spécifique sur la base de ces cas particuliers; C’est un domaine intéressant et inexploré pour nous.

Q: Je suppose que maintenant, votre prochaine étape pourrait consister à utiliser votre analyse pour proposer un cadre de gestion des concours d’innovation permettant d’abaisser ces barrières?

A: Tout à fait, nous sommes en train de développer un tel modèle. Il est important de comprendre les obstacles et d’être en mesure d’en réduire certains, mais d’autres doivent être maintenus ou même rehaussés. Ils sont nécessaires dans le processus de sélection des candidats. Une fois l’objectif du concours clair, les barrières doivent être ajustées pour garantir une compétition sélective sur les bons critères. C’est le modèle sur lequel nous travaillons actuellement dans un projet qui vient de débuter et qui durera deux ans.

Q: Nos lecteurs et nous-mêmes sommes très intéressés à poursuivre ce raisonnement vers un guide de « bonnes pratiques » qui permettrait d’anticiper les freins de l’innovation ouverte de type recherche de solution (outside-in solution sourcing). Je vous propose ma propre version en attendant les avancées de votre projet.

Frein à l’innovation ouverte

Traduction dans le cadre « recherche de solution »

Exemple de moyens de contrôle

1) manqué de temps ou d’argent

Mauvaise anticipation des coûts de maturation et intégration de la technologie.

Un projet d’OI doit être planifiée et budgétisée dès le départ comme un projet interne, plus une étape spécifique de transfert et maturation. L’intégration nécessite un effort qui doit être revu avec le fournisseur.

2) Manque de competence marketing

Mauvaise interaction entre R&D et marketing

Un projet d’OI doit impliquer l’ensemble de l’équipe produit (marketing, R&D, achats, qualité). Un projet d’OI mené exclusivement par la R&D a peu de chances de succès.

3) Faible valeur d’offre

Surestimation de la valeur, difficulté à contruire un business model

The project ROI needs to be planned and measured, starting with a core team agreement on the target innovation market value.

La valeur de l’innovation et le retour sur investissement du projet doivent être prévus et mesurés, en accord avec l’équipe produit.

4) manque de collaboration des partenaires

Mauvaise entente entre le demandeur et le fournisseur. Mauvaise exécution du projet.

La R&D doit être prête à s’engager dans l’IO ainsi que les métiers impliqués. Les fonctions qualité, achats doivent veiller à définir les objectifs de la collaboration et la gestion de projet de la suivre rigoureusement.

Table 3: proposition ideXlab sur les bonnes pratiques

Q : Quelle serait votre avis d’expert sur cette proposition, est-ce que l’on aborde les dimensions principales avec cette « checklist »?

A: Oui chaque point semble bien applicable, mais les priorités ne peuvent pas être traduites 1 pour 1 de notre étude, en tout cas pas avant que nous ayons étudié des données précises sur des cas similaires. Nous aurons des résultats sur la base de notre travail mené chez Volvo dans un avenir proche et nous vous tiendrons au courant!

Q: Anders, je vous remercie beaucoup. Ce fut très instructif. Nous suis impatient de lire vos prochains résultats de recherche, gardons le contact, peut être certains de nos utilisateurs seront prêts à partager leur expérience avec vous si vous êtes intéressé.

Lire l’article complet de Anders Hjalmarsson est à http://ecis2014.eu/E-poster/files/0211-file1.pdf


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